8/10/2015

Kamçatka - Atalarımız, bak, ren geyiği olarak şarkı söylüyoruz - ren geyiği olarak biz müzik çalıyoruz - mükemmel bir gün mükemmel bir değişimi için

Food, songs and dance : the Kilvèj ritual cooking

There is an initial insight to recall or to crystallize the world order, such that in this ideal orientation, its component elements are able to position themselves in relation to each other. This stage work of an ordered universe is articulated simultaneously with the preparation of ritual food: the granting of differential ritual foods and dishes gives to each one a specific role inscribed in the ritual course. For this purpose, three different foods are prepared: a dish of fat, a dish of sorrel and finally a dish of meat. The fat (èlègi) is extracted from the reindeer bones crushed then boiled. First obtained in liquid form, it is then mixed to snow and whipped in butter: this is the form in which the fat will be provided to the anthropomorphic representations of the protection spirits (gičgi). The sorrel in the form of a paste is intended for the reindeer. The leaves are harvested during the fall, kept until spring, then boiled and crushed. Finally, the meat as more robust dish will be served to human beings. Unlike other ritual sequences, only the breasts of the reindeer (mačvèlgyn) - to which the vocal apparatus is attached (neck, oesophagus, tongue, lower jaw) – must be cooked during the Kilvèj; Although different in nature, these three dishes have a common feature: they can be ritually consumed only in a well minced form called inèlvèt, that always characterises the food offerings in such a setting.
The distribution of food is intervening during the two central sequences of the ritual that take place the second day shortly before noon, or right in the middle of the Kilvèj temporal unfolding. In the course of these two sequences people will come out of the tent twice, in a single file in the direction corresponding with the position of the sun. The first run everyone has a spoon filled with fat, sorrel and meat, the purpose is to form small handles and throw them on the skin roof of the tent and on the ground. The second run is a little different: the participants, only women of the organizational unit go to the back of the tent standing between the herd of domestic reindeer gičgi  and a bunch of willow tree branches: under the leadership of the tent chief woman they distribute food in the three dishes named earlier to the respective recipients. In that precise order they feed first the reindeer (sorrel), the spirits embodiments (fat) and the humans (meat) who come through behind the herd and must catch their share of food over the pile of branches. These two essential highly ritualized sequences witness partial identification of the humans to the reindeer who produce throat sounds identical to those meant to lead the female reindeer out of the corral. These imitative character throat sounds are produced when throwing the offering of food in the spoon (inèlvèt) during the first out coming and a second time during the second sequence when people try to reach the meat. At those specific moments, these songs and imitations (aŋaŋzjak), are meant to mimic with the voice the words of an animal learnt on the camp.
The other important idea of the Kilvèj, is that beyond the offering of food specified for certain recipients giving them an ordered place in the temporal world, other actions are able to ensure the circulation of a matter called uzizit strength, heat, enclosed in every expression of life as well as in the food being prepared. These actions are playful and can express themselves in various ways during the two central ritual sequences of the coming out of the tent: reindeer race, dance, songs and drum music. Again imitation becomes a central element of these performances, yet different from the throat sounds of the earlier mentioned sequences: the movements of the bodies are supposed to feature animal behaviour highly striking for those who perform them. The song during these games sequences is this time very human inclination in that it is an individual melody without words (qulikul) intoned to the cadence of the drumming. The imitative character here has a different meaning: it is not any more about an imitation of an animal but rather an individual own melody or that of a family deceased of whom the remembrance is accentuated by the song. This performance is the same one as the marking of the reindeer as it explicitly shows the belonging to a specific unity background of which the individual musical expressions, like the marks placed on all the reindeer of each herd related to a specific group of humans, have identical tones.



Nourrir, chanter, danser : la cuisine rituelle du Kilvèj
Une première idée est de rappeler ou cristalliser l’ordre du monde, de telle sorte que puisse s’exprimer l’orientation idéale de ses composants les uns par rapport aux autres. Cette mise en scène d’un univers ordonné est élaborée parallèlement à la préparation de différents plats rituels: c’est l’octroi différencié d’un type d’aliment particulier qui assigne à chacun sa place dans la trame rituelle. Trois préparations culinaires sont réalisées dans ce but : un plat de graisse, un autre d’oseille, et enfin un dernier de viande. La graisse (èlègi) est extraite des os de renne concassés puis bouillis. D’abord obtenue sous forme liquide, elle est ensuite mélangée à de la neige et battue en beurre : c’est sous cette forme solide que la graisse sera offerte aux figurations anthropomorphes d’esprits protecteurs (gičgi). L’oseille est destinée aux rennes, qui la consomment sous forme de pâte. Les feuilles sont récoltées en automne, et conservées jusqu’au printemps où elles sont cuites dans l’eau chaude puis écrasées. Enfin, la viande constitue le plat de résistance qui sera servi aux humains. À la différence d’autres événements rituels, seules des poitrines de renne (mačvèlgyn) — auxquelles est encore attaché l’appareil vocal (cou, œsophage, langue, maxillaire inférieur) — doivent être préparées lors du kilvèj. Bien que de nature différente, ces trois plats présentent un trait commun : ils ne peuvent être consommés rituellement que sous une forme émincée, appelée inèlvèt, et qui caractérise toutes les offrandes de nourriture effectuées dans un tel contexte.
La distribution des aliments intervient dans les deux séquences centrales du rite qui ont lieu le deuxième jour peu avant midi, soit exactement au milieu de son déroulement temporel. Ces séquences correspondent à deux sorties successives de toutes les personnes présentes hors de la jaraŋa, lors desquelles il est requis de réaliser un tour complet autour de la tente, en file indienne et dans le sens du soleil. Durant la première sortie, chacun dispose d’une large cuillère en bois dans laquelle est disposé un peu de graisse, de viande et d’oseille qu’il s’agit de lancer par petites poignées alternativement sur la toiture en peaux de la tente et sur le sol. La seconde sortie est quelque peu différente : les officiants principaux, qui sont toujours les femmes de l’unité organisatrice, se placent à l’arrière de la tente où se trouvent également les gičgi et le troupeau de rennes domestiques constitué de substituts en branches de saule. Debout entre la tente et les « rennes de bois », les femmes distribuent sous la direction de la maîtresse de tente les trois plats à leurs destinataires respectifs. Dans l’ordre, elles nourrissent d’abord les rennes (oseille) et les figurations d’esprits (graisse), puis les humains qui défilent derrière le troupeau et doivent saisir la viande par-dessus l’amas de branches. Ces deux séquences fondamentales et hautement ritualisées sont marquées par l’identification partielle des humains au renne : ces derniers produisent en effet des sons de gorge identiques à ceux qu’ils réalisaient dans le corral pour attirer les femelles vers la sortie. Ces sons de gorge à caractère imitatif sont émis au moment de lancer l’offrande (inèlvèt)contenue dans les cuillères lors de la première sortie, puis une nouvelle fois lors de la seconde sortie, au moment de saisir la viande. Dans ces instants précis, il s’agit de « chanter » ou d’« imiter » (aŋaŋzjak), autrement dit de reproduire par la voix une parole animale apprise dans les campements.
La deuxième idée essentielle du kilvèj est qu’au delà de l’offrande d’une nourriture différenciée selon les destinataires et signifiant à chacun sa position dans le monde, d’autres actions sont en mesure d’assurer la circulation d’une substance nommée uzizit (« force », « chaleur »), contenue dans chaque manifestation du vivant mais aussi dans les aliments en phase de préparation. Ces actions sont d’ordre ludique et peuvent prendre plusieurs expressions en marge des séquences centrales que constituent les sorties : course de rennes, danse, chant et jeu de tambour. L’imitation émerge à nouveau comme un élément central dans ces performances, mais elle diffère de la forme gutturale qui apparaissait lors des sorties : ce sont les mouvements du corps dans les chorégraphies qui sont censés reproduire des conduites animales particulièrement remarquables pour celles et ceux qui les exécutent. Quant au chant produit lors de telles séances de jeux, il est cette fois de nature proprement humaine, en ce sens que ce sont les mélodies individuelles sans parole (qulikul) qui sont entonnées au rythme du tambour. Le caractère imitatif a dans ce cas une autre portée : il ne s’agit plus de reproduire une parole animale, mais sa mélodie propre ou celle d’un membre défunt de la famille dont le souvenir est alors renforcé le temps d’un chant. Cette performance est du même ordre que le marquage des rennes puisqu’elle signale l’appartenance à une unité domestique dont les expressions musicales individuelles présentent, à l’instar des marques génériques greffées sur son cheptel, des tonalités identiques.

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