9/16/2014

“‘Come, there’s no use in crying like that!’ said Alice to herself rather sharply. ‘I advise you leave off this minute!’ She generally gave herself very good advice (though she very seldom followed it), and sometimes she scolded herself so severely as to bring tears into her eyes; and once she remembered trying to box her own ears for having cheated herself in a game of croquet she was playing against herself, for this curious child was very fond of pretending to be two people” (Carroll, 2001:18).
Alice is not afraid of change, and even crosses the border of the mirror fearlessly, confident that she will find herself again on the other side. This confidence and strong identity we will try to explain here with the threshold theme. Alice talks to herself the whole story long. She reassures herself, scolds herself, gives herself advice and is even happy that no one (else) is around when she ventures to say complicated words. This auto-narration might save her from becoming crazy and at the same time allows her to hold on to her identity. She undergoes dramatic changes. At the beginning of the story, she falls into a hole and then has to endure changes of size that make her grow long and lean after tasting a cake and then become a minuscule little girl because she wants to have access to a hidden garden. But she stays the same through all those dramatic changes, and is not even affected by her trip through the mirror. She does not explode or become her own anti-matter. She does not enter the mirror out of vanity, like Narcissus, but out of curiosity. And this never questioned audacity might save her form all the harm she might encounter. She remains a constant that changes in an imperceptible way, and always according to the circumstances. She never fits perfectly into either world, and therefore moves freely from one to the other. The writings of Angela Carter explore the ambiguity of existential states where objects or subjects are not confined to a defined identity. Carter uses cultural symbols to explore what she calls the «subterranean» areas of human experience. She sees this as a way to access the primary impulses and desires that secretly move our conscious behavior. The importance of ambiguity is the possibility of contact with different states or spaces of being. In Angela Carter’s writings the importance of limits and thresholds, whether these are mirrors or characters, reflect Carter’s preoccupation with the interconnection between different modes of existence. The mirror theme is recurrent here as it shows a passage to a different world as well as our own identity, different every time we look into the mirror. The mirror as border and passage to another place emerges and there is in the mirror a wonderland that made one looks at brighter possibilities, a land of transformations and borders, where life becomes bearable when the everyday fight seems too difficult. The threshold is here the sign of victory over pain and through poetry and the activity of writing in these in-between spaces that they try to explore. The poets catch a glimpse of hope, a path toward life, on the threshold state that always leaves the passage open.

Alice is the symbol of the passing through time in the work of Sophie Gosselin and David Gé Bartoli who explore a new way of thinking history and memory by looking at the clock from profile. What they call ‘infraphysique’ shows a path through time where new art forms and new ways of thinking are explored. Time does not have to be chronological, it can open to numerous understandings of time and perception that show a different way of repetition and combining of known events. In the work they present here, ‘mémoire vive’, we can catch a glimpse of a way to think time that is on the border of an artistic and a philosophical approach to knowledge and perception. A way to think thresholds in a creative manner, always surprising and inspiring, Sophie and David try to initiate a new understanding of passage. Those poetic journeys will conclude this issue on soglitude, and open at the same time toward a next issue that will be dedicated to poetry and theatre, literature and film. This time, we introduce a method into threshold thinking by offering a large variety of domains where the passage, transformation and change offer new perspectives. We want to offer the reader a first exploration of the threshold and remind him that the threshold is our home, a home that is always here for us, yet always changing. Always offering a new outlook on a reality we create by unfolding into it. Tatjana Barazon
Genis Carrera
Alice, constante du seuil « -Ma foi dans mon pays à moi » répondit Alice, encore un peu essoufflée, « on arriverait généralement à un autre endroit si on courait très vite pendant très longtemps, comme nous venons de le faire.
-On va bien lentement dans ton pays ! Ici, vois-tu, on est obligé de courir tant qu’on peut pour rester au même endroit. Si on veut aller ailleurs, il faut courir au moins deux fois plus vite que ça ! » (Carroll, 1994 : 214)
Comme nous l’apprenons chez Lewis Carroll : il faut employer toute son énergie afin de demeurer à la même place. Alice se retrouve dans toutes ses aventures face à un monde inconnu où les lois qui régissent ce monde sont différentes des nôtres et où Alice doit subir elle-même des changements vertigineux. Au début de l’histoire, elle tombe dans un trou et doit subir des changements de taille impressionnants. Elle doit devenir minuscule pour pouvoir accéder à un jardin derrière une porte et s’allonge en goûtant à un gâteau. Une approche fondamentale à la création d’une méthode soglitaire est le dilemme d’Alice quand elle traverse le miroir, car là, elle reste elle-même. Alice inspire l’aspect « scientifique » de la pensée du seuil.
Par la rupture de la frontière du miroir, Alice glisse sur le seuil. Le monde est alors envisagé du point de vue de son antimatière. Alice ne rencontre pourtant pas Anti-Alice, donc elle n’explose pas comme Narcisse qui tomba amoureux de son reflet. L’aventure d’Alice dans le monde du miroir correspond plutôt à la découverte d’un univers parallèle qui est l’envers du monde qu’elle connaît. Elle défie les lois de l’univers en ouvrant un autre monde qui ressemble au monde des possibles, parce que souvent, les choses n’ont pas de noms et dès que la perception se fixe sur un objet celui-ci  disparaît. Dans les travaux de Sophie Gosselin et David gé Bartoli, Alice apparaît comme un symbole de la transgression des frontières du temps et de l’espace. Une méthode qui ouvre une nouvelle brèche dans le temps. Ce qu’ils appellent « l’ infraphysique » se présente comme une entreprise à la fois artistique et philosophique qui cherche à transgresser les conceptions usuelles du temps pour créer un temps cosmique qui irradie par le profil de Rubin, une multitude des points de vue sur l’art, le texte, le cinéma qui ouvre une multitude de niveaux inconnus jusqu’à présent. Alice est souvent invoquée pour souligner l’espoir que peut contenir le monde derrière le miroir si l’on sait s’y rendre sans crainte. Alice ne change pas avec le monde inversé dans lequel elle pénètre, mais reste elle-même à l’intérieur d’une distorsion totale de son entourage. Alice dans le miroir est la même Alice qui se souvient de sa maison, de sa sœur, de son chat, de tout ce qui constitue son monde, et c’est telle quelle qu’elle intègre le monde spéculaire. Dans ce monde, toutes les lois sont différentes, les animaux parlent, il faut employer toute son énergie afin de demeurer à la même place et l’on va à une fête avant d’y avoir été invité. Mais Alice est imperturbable. Alice s’inquiète pour sa personne du point de vue de la quantité. Quand elle se voit diminuer de taille pour atteindre seulement vingt-cinq centimètres, elle dit qu’elle n’a guère plus assez de personne pour en faire une seule. L’humour de Lewis Carroll nous indique une manière de se détacher du sérieux de la vie qui permet en effet à Alice de survivre sans dommages à toutes les contrariétés. C’est aussi parce qu’elle se raconte tout à elle-même et se pose effectivement à l’intérieur de la lecture du livre comme un personnage dédoublé, à la fois acteur et narrateur de toutes ses aventures. Cette identité forte peut signifier notre seuil identitaire qui nous permet de nous reconnaître et de nous retrouver dans un monde qui change continuellement, précisément par la narration ou l’auto-narration. Nous nous reconstruisons et nous re-créons notre identité à chaque instant, et ce n’est que lorsque des années auront passé que nous pourrons nous positionner par rapport à un moment dans le passé et nous demander si nous sommes toujours la même personne. Ici encore, les recherches sur la mémoire peuvent nous apporter des indications précieuses. Même si nous changeons évidemment avec le monde, nous restons conscients de nous-mêmes et nous arrivons à nous retrouver dans ce chaos la plupart du temps. Les changements des choses nous permettent même de créer une identité changeante comme celle de nous-mêmes.
Le seuil est à la fois arrêt et mouvement parce que, sur le seuil, on ne demeure pas. Ce ne sera pas un chez soi que l’on trouve, le chez soi est dans le mouvement, dans la quête, le déplacement, toujours au seuil d’un arrêt mais repoussé dans le mouvement. Mais si nous considérons le seuil lui-même comme notre état fondamental, nous pouvons dire que nous sommes continuellement pris dans cette tendance à faire un pas vers autre chose. Tatjana Barazon

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